Lécoute, un facteur commun aux différentes psychothérapies qui peut contribuer à la transformation du patient?
Par Sylvie Verdière
Psychologue Clinicienne
A Bois-Guillaume
L'écoute, un concept "fourre-tout"?
Quand on sait que Karazu ne dénombrait pas moins de 450 types de psychothérapies différentes dès 1994, on imagine aisément la guerre sans merci à laquelle ces dernières ont eu recours pour asseoir leur autorité et rassembler le plus grand nombre d'adeptes. Ainsi, de plus en plus s'est profilée la nécessité d'évaluer les psychothérapies, mais cette bonne intention a vite rencontré des problèmes méthodologiques (des concepts non mesurables, comme l'inconscient, des problèmes de groupes témoins, etc.). Devant ces difficultés, certains ont lancé l'idée de "facteurs communs" et on a vu apparaître de plus en plus les concepts d'éclectisme ou encore d'intégration. Parmi les différents facteurs communs aux psychothérapies, on peut citer comme exemples l'empathie dont doit faire preuve le thérapeute, son intuition, son pragmatisme, son objectif d'alléger la souffrance, sa capacité d'écoute. Cette dernière est souvent mise "à toutes les sauces", avec tous les risques que cela comprend quand on sait qu'il ne s'agit en fait que d'un concept "fourre-tout" qui ne veut pas dire grand chose, vu que le thérapeute est loin de n'être qu'"une grande oreille attentive"!
En quoi l'écoute peut-elle contribuer à la transformation du patient?
L'écoute "vierge" n'existe pas: le thérapeute, de par sa façon d'écouter et de réagir (que ce soit verbalement ou non verbalement), transmet des messages au patient. De même, on peut dire aussi que, déjà avant d'entrer dans le lieu d'office du thérapeute, le patient est déjà "transformé" de par ses attentes et ses représentations du thérapeute, de l'idée qu'il a de ses théories et outils.
Une fois dans le coeur de l'action thérapeutique et du sujet qui lui tient à coeur, ce même patient va donc être "écouté". Mais comme déjà mentionné plus haut, le thérapeute n'est pas une simple grande oreille enregistreuse... Et comme le dit Françoise Sironi, heureusement, car sinon, il n'aurait plus qu'à faire du tricot ou lire le journal devant (ou derrière) son patient, comme on le voit d'ailleurs dans de nombreux films qui font intervenir des psys!
Le thérapeute "écoute" en fonction de son monde théorique, fait des "interprétations" ou hypothèses qu'il transmet ou non et fait passer des messages par le biais de ses interprétations, justement, ou même en ne disant rien, mais en jouant de postures, de gestuelles, de "hum hum" qui ont autant d'effets sur le patient. On peut même oser dire que "l'écoute" en tant que telle n'existe pas, mais qu'en plus, elle aurait presque le statut "d'acte de langage" "muet", s'inscrivant dans une boucle rétroactive qui produit des effets sur les personnes.
En effet, de la même façon qu'elle transforme le patient, l'écoute transforme également le thérapeute via le fameux contre-transfert.
Facteur commun ou spécifique?
On peut donc se demander si l'écoute qui produit des effets sur le patient et son thérapeute est alors un facteur commun à toutes les situations psychothérapeutiques ou bien un facteur spécifique.., spécifique à chaque école de pensée des thérapeutes.
Comme l'écrit Tobie Nathan, "l'objet d'étude définit la méthode, de même que la méthode définit l'objet d'étude." Ainsi, on pourrait dire, certes en caricaturant, que l'écoute psychanalytique transforme le patient en une structure névrotique en proie à des conflits intrapsychiques relevant d'un complexe oedipien jamais résolu; l'écoute cognitivo-comportementale transforme l'individu en un sujet phobique ou obsessionnel avec des schémas de pensée et des comportements inadaptés; l'écoute systémique/familiale transforme l'un des membres en "patient désigné" voué à maintenir l'homéostasie de la famille. Etc...
Même si ces propos sont bien sûr exagérés, on peut néanmoins revenir et s'interroger sur le bien-fondé des concepts d'intégration et d'éclectisme (en gros, avoir recours, pour un même thérapeute à différentes approches théoriques et pratiques, utiliser celle qui paraît la plus pertinente en fonction du moment et des besoins du patient et donc en utiliser éventuellement plusieurs au cours de la thérapie selon l'évolution, intégrer au discours le langage du corps et les émotions) qui peuvent permettre une écoute plus ouverte et non sélective, et d'éviter de faire entrer peut-être un peu trop vite les patients dans des catégories pré-établies.