Par Sylvie Verdière
Psychologue Clinicienne
à Bois-Guillaume
D'après Olson et al, 1985 (Le fonctionnement familial et le FACES III)
Définition de la famille
Il n'y a pas de définition universelle de la famille, mais en gros, on peut dire :
1/ qu'il s'agit d'une réunion d'individus
2/ unis par les liens du sang
3/ vivant sous le même toit
4/ dans une communauté de services
MAIS!... La famille, c'est bien plus qu'un groupe d'individus partageant un espace physique et psychologique commun: c'est un système social naturel avec ses propriétés, son propre ensemble de règles, des rôles prescrits pour chacun de ses membres et un système de pouvoir structuré.
Bien évidemment, les configurations familiales varient considérablement en fonction des différentes aires culturelles.
L'évolution de la famille
De plus, on sait combien la famille a évolué au cours des siècles passés, et il y a notamment un fait qui a "chamboulé" beaucoup de choses: c'est l'irruption du sentiment amoureux dans le choix du partenaire conjugal.
Longtemps, le sentiment amoureux a été confiné hors mariage. Aujourd'hui, la famille est passée du statut d'unité de production et de re-production au statut d'unité affective.
Or, de nos jours, les deux membres d'un couple sont souvent dans une extrême dépendance affective, et le divorce, de plus en plus fréquent, apparaît comme une façon normale de résoudre les tensions familiales.
Globalement, de nos jours en Europe, l'évolution de la famille s'est effectuée à différents niveaux, et on constate:
- le déclin constant du mariage
- 6 enfants sur 10 naissent hors mariage en France
- l'augmentation du divorce (près de 45% des mariages finissent par un divorce en France)
- il y a de nouvelles situations familiales: les familles recomposées, les familles monoparentales, les familles adoptantes et les familles homoparentales
- il y a également de nouveaux cadres juridiques, comme le PACS.
Toutes ces nouvelles données ont contribué à démanteler la structure familiale traditionnelle pour donner le jour à de nouvelles configurations familiales. La famille s'adapte, mais elle est beaucoup plus vulnérable.
Par contre, à la vulnérabilité de ces nouvelles formes de vie conjugales et familiales, s'oppose un renforcement de la parenté: les réseaux familiaux dont on a longtemps minimisé l'importance, s'étendent aux oncles, tantes, cousins, cousines, neveux, nièces, et parfois au-delà. Et les échanges entre générations au sein de ces réseaux de parenté sont extrêmement importants.
Ainsi, toute la famille s'inscrit dans un réseau de parents formé des consanguins et des alliés. C'est ce qu'on appelle la parentèle.
Et pour un psychologue clinicien qui rencontre une famille, c'est très important de saisir toute cette pluralité des niveaux d'interrogation possible; l'étude des interactions au sein de la famille nucléaire reste prépondérante, mais elle s'inscrit souvent dans le cadre d'une investigation plus large qui intègre multiples dimensions.
A cela s'ajoute le fait que la famille connaît plusieurs cycles de vie.
Les différentes étapes d'une famille
Ces trois étapes s'appuient sur trois données principales:
1/ l'appartenance à la famille;
2/ la répartition des âges;
3/ la situation professionnelle (du mari, en général).
Ces trois critères forment un ensemble complexe à chaque étape, et les entrées et les sorties des membres de la famille ont un impact considérable, notamment celles des enfants.
Chaque étape possède ses "tâches développementales" spécifiques. Or, la maîtrise ou l'accomplissement de ces tâches constitue le premier critère pour un bon développement de la famille.
Une maîtrise partielle ou sans succès de ces tâches produit des distorsions potentielles ou, carrément, des arrêts de développement dans la famille.
En effet, le passage d'une étape à l'autre nécessite des ajustements, une capacité d'adaptabilité et ce, notamment dans les rôles assumés par les individus et les règles de fonctionnement de la famille.
Donc , - adaptabilité au niveau des rôles;
- adaptabilité au niveau des règles,
Et ce, durant les différents cycles de vie que la famille va traverser, à savoir:
- le couple sans enfant;
- la famille avec de jeunes enfants;
- la famille avec des adolescents;
- le départ des enfants;
- le couple parental à la retraite
La notion de tâche développementale est très utile dans la compréhension de certaines difficultés familiales, et une telle approche permet également de relativiser les notions de normal et pathologique.
En effet, une famille peut très bien passer les deux premières étapes sans encombres, et quand s'annonce la tempête de l'adolescence des enfants, tout vole en éclats!
La dynamique familiale
La dynamique familiale représente un ensemble de forces qui infléchissent les conduites de chacun des membres du groupe familial.
La famille, en tant qu'unité, se développe de façon plus ou moins harmonieuse. Les émotions, les manières de penser, les actes des membres de la famille, contribuent à créer un climat qui peut être sécurisant ou bien angoissant.
La question du normal et du pathologique se révèle aussi complexe pour le groupe familial que pour l'être humain isolé. Pour évoquer les familles "normales", on utilise souvent le qualificatif de "fonctionnelles".
Bien évidemment, une famille sans tensions, sans conflits, sans problèmes.., cela n'existe pas. Aucun membre ne peut satisfaire tous les besoins des autres membres, ce n'est pas possible!
Qu'est-ce qu'une famille fonctionnelle?
En résumé, une famille fonctionnelle favorise le développement de chacun de ses membres en leur permettant une autonomie suffisante tout en leur offrant un soutien sans faille.
Qu'est-ce que cela signifie exactement?
- les crises sont affrontées en groupe après avoir identifié des solutions pour s'en dégager (réunions autour de la table.., on "remet les pendules à l'heure")
- quand une difficulté se présente, les membres n'hésitent pas à l'évoquer et à traduire verbalement leurs émotions
- les sentiments, comme la tendresse et l'amour, sont exprimés avec spontanéité
- les périodes de dépression liées au décès d'un proche ou au départ d'un membre sont surmontées collectivement grâce au réconfort mutuel
- surtout, ces familles tolèrent l'incertitude qui caractérise tout itinéraire humain. ainsi, par exemple, face à l'échec scolaire d'un adolescent ou à une période de chômage d'un parent, les attitudes adoptées par le reste du groupe n'aggraveront pas le problème posé en exigeant une solution immédiate. Des modalités de négociation et de résolution de problèmes ont été développées, qui permettent de relever avec efficacité nombre de défis
- les relations entre les membres sont profondes, et fondées, pour l'essentiel, sur une histoire partagée, une vision du monde et des perspectives communes
- malgré ces liens affectifs profonds - c'est à dire cette forte cohésion - l'objectif des parents est de permettre à leurs enfants de quitter le nid familial
- l'influence du groupe est telle, qu'un éloignement prolongé d'un parent, d'un membre, ne détruit pas le sentiment d'appartenance. Aucun autre système ne fonctionne avec les mêmes caractéristiques: une fois que vous quittez une entreprise, par exemple, les liens sont définitivement rompus. Rien de tel dans une famille : même après une rupture, des liens puissants perdurent.
- en grandissant, les membres d'une famille développent des identités personnelles, mais restent attachés au groupe familial qui, en échange, maintient une identité collective.
Les familles dysfonctionnelles, elles, le sont de multiples façons.
C'est ce que nous verrons dans le prochain article.
Sylvie Verdière
Psychologue Clinicienne
à Bois-Guillaume
